Se plonger dans les peintures de Rostand Pokam c’est avoir la promesse d’un voyage où le connu se mêle à l’inconnu, le soluble à l’insoluble, et nos sens sont bousculés. Un voyage qui rend nos certitudes plus fragiles.
Le paysage urbain devient sensation, musique saccadée, dynamique composée de mouvements et de touches, variés comme autant de symphonies de couleurs orchestrées d’une main de maître.
Rostand Pokam en quelques coups précis rend compte de la ville, des marchés, du tumulte du quotidien, de la vitesse de nos échanges, modes de déplacement, de l’agitation de nos mœurs affairées.
Il faut tout de même prendre le temps, se poser, définir les éléments composant les scènes,
bâches, étalages, coupelles, seaux, calebasses, étoffes, motos. Se laisser happer par les cieux véritables portes vers de nouveaux mondes.
Alors que le ballet des corps, la mélopée polyphonique des robes, étoffes, débardeurs et shorts, des coiffes et parasols, des gestes familiers nous emportent.
Entrer dans une toile de Rostand Pokam, c’est s’ouvrir sur les vibrations de l’âme, que ce soit celles de la ville, du peintre ou de la toile. Celles des personnages sans visages mais loin d’être fantomatiques, là, bien présents. La matière est palpable.
Rostand Pokam connaît sa partition et joue un va-et-vient entre figurations et abstractions. Nous voilà donc partis pour des contrées intérieures et des lieux de partage, suivant les rythmes des couleurs qui impriment le tempo. Pokam multiplie les expérimentations.
Ici, proche des impressionnistes, là, il nous fait penser aux peintres de Die Brücke, à l’interprétation de la foule parisienne ou abidjanaise d’un Fromanger et ailleurs, nous fait nous balancer à la manière de Douala Sérénade de Manu Dibango.
L’artiste prend le pouls de la ville, l’ausculte, la dissèque en ressort ses entrailles.
À travers son œuvre, Rostand Pokam déploie les possibilités de nous raconter. L'apprécier c’est aussi poser un œil sur nos émotions, nos relations, nos sociétés, nos êtres, notre environnement. Leurs tumultes, transformations, leurs en-commun, leur importance.
Flavien Louh